L'IFSB, partenaire du projet Interreg NWE GROOF travaille à la conception, la construction puis l'exploitation d'une serre urbaine sur toit à vocation démonstrative et éducative. L'investissement est cofinancé par le Ministère de l'Environnement, du Climat et du Développement durable via le Fonds Climat et Energie ainsi que par le programme Interreg North-Ouest Europe. Cet article livre un retour d'expérience fondé sur le parcours de l'IFSB.
D’abord, convaincre les décisionnaires
Décider de construire une serre sur le toit du bâtiment de l’IFSB est une chose, le faire approuver en est une autre.
Tout d’abord, de très bons et beaux arguments ont été donnés aux administrateurs pour que la décision de construire une serre sur le toit de l’IFSB soit validée au plus vite : utiliser une surface « perdue », faire évoluer la construction dans le Green, augmenter la qualité du bâtiment grâce à la conjugaison win-win bâtiment-serre, produire des légumes localement, …
Cependant des contres arguments tout aussi importants sont apparus : le coût d’une telle construction par rapport à la construction d’une serre sur sol, l’aspect architectural discutable, la monopolisation du toit qui pourrait servir à d’autres fonctions, …
Afin de faire basculer la décision dans le bon sens, nous avons dû exposer d’autres arguments.
La serre ne sera pas une serre. Comprenez par là qu’il n’est pas question de mettre une serre tunnel comme on les voit dans les champs, sur le toit de l’IFSB. Ce sera un objet architectural qui s’intègrera dans le bâtiment et qui, plutôt que de dévaloriser l’image de l’IFSB, apportera une vision moderne et très esthétique tout en restant fonctionnelle. Ensuite, nous avons mis en avant le gain de CO2. Quand on sait que les rejets de CO2 des bâtiments seront bientôt facturés au Luxembourg, on se dit que faire des économies en CO2 tout en créant un ouvrage qui pourra rapporter un bénéfice, cela devient très intéressant.
La conjugaison serre – restaurant d’entreprise apporte un plus à la serre et aussi au restaurant qui peut mettre en évidence les produits cultivés localement.
Enfin l’IFSB a toujours été à la pointe dans les nouvelles technologies qui font l’avenir de la construction. Cela a été le cas lors de la construction du bâtiment principal : premier bâtiment tertiaire classé « basse énergie » au Luxembourg et aussi lors des extensions réalisées depuis. Nous nous devons donc de continuer à être un moteur de l’innovation et un démonstrateur des possibilités qui s’offrent actuellement au monde de la construction.
C’est ainsi que l’accord a été donné.
Ensuite, il faut avoir l’accord de l’administration communale.
Un permis de bâtir est obligatoire pour pouvoir réaliser ce bâtiment.
Les questions qui se posent alors sont :
Les sur-hauteurs sont-elles admises dans le secteur concerné (Plan d’Aménagement Général) ?
Quelles sont les nuisances que peuvent apporter ces structures : éclairage nocturne, reflet du soleil sur une grande surface vitrée, … ?
Peut-on marier l’utilisation du bâtiment tertiaire à une exploitation agricole… dans une zone non agricole ?
Dans notre cas, le gouvernement du pays, avec, notamment, son parti écologique, veut promouvoir ce type de démarche. Une « Stratégie Nationale Urban Farming » (https://www.urbanfarming.lu/) a d’ailleurs été publiée. Le bourgmestre de notre commune a, lui aussi, bien compris l’intérêt de ce projet. Il n’y a donc pas eu de difficulté pour faire adopter le permis de bâtir.
En ce qui concerne la partie sécurité liée à la construction et l’exploitation d’une serre sur un toit, l’administration compétente n’a pas encore de document officiel à propos des serres sur les toits. Aucune obligation n’est donc encore promulguée. Dans notre cas, cela nous facilite la réalisation de notre projet mais nous veillons néanmoins à prendre toutes nos précautions pour que la sécurité soit assurée pour tous : exploitants et visiteurs.
Enfin, qu’en pensent les collaborateurs de l’IFSB ?
L’IFSB est l’institut de formation du secteur de la construction du Luxembourg. Il est donc évident que les employés de l’IFSB ont l’habitude de voir les nouveautés dans le secteur de la construction : nouveaux matériaux, nouvelles techniques, utilisation du BIM, … Ils n’ont donc pas été trop surpris par cette idée de serre sur le toit.
Malgré tout, un peu étonnés au début, les collaborateurs de l’IFSB ont très vite intégré cette idée et ont trouvé ce nouveau projet très intéressant. Il faut aussi prendre en compte qu’une petite serre de démonstration existe déjà sur le bâtiment voisin et que tout le monde profite déjà des récoltes saisonnières : basilic, fraises, salades, piments, …
L’histoire ne s’arrête pas là
D’autres personnes doivent aussi être convaincues par la serre sur le toit de l’IFSB. Il s’agit de l’équipe de maîtrise d’œuvre (architectes et ingénieurs) et des entreprises de construction.
L’architecte a été choisi avec soin et nous avons passé un certain temps à lui expliquer l’intérêt de l’Urban Farming et, plus particulièrement, des serres sur les toits. Nous avons aussi beaucoup insisté sur l’aspect architectural : la « serre qui n’est pas une serre ».
C’était la première fois qu’il était confronté à la construction d’une serre, qui plus est, sur le toit d’un bâtiment. Très vite l’intérêt s’est fait sentir et l’idée que cela pouvait être réalisé à d’autres endroits, sur d’autres bâtiments, a même germé. Nous avons donc un architecte qui s’investit dans un projet pilote et qui comprend très bien l’intérêt de la démarche pour l’avenir de la construction au Luxembourg. Il nous apporte sa compétence et il apprend de nombreuses nouvelles choses liées aux serres en général et aux serres sur les toits en particulier.
Les ingénieurs n’ont pas eu beaucoup de problème par rapport au projet. Du point de vue de la stabilité, c’est un ouvrage assez simple et, pour les techniques spéciales, le serriste que nous avons choisi donne toutes les informations nécessaires pour que le bâtiment soit en parfaite connexion avec la serre. Ceci ne veut pas dire que tout est simple mais tout est sous contrôle !
Les entreprises, gros-œuvre, charpente métallique, serriste, … commencent à être choisies. Les travaux n’ont pas encore démarré donc, pour le moment, elles ne sont confrontées qu’à des plans et des dossiers de soumission. Nous avons cependant déjà communiqué énormément avec elles afin de les sensibiliser à la réalisation d’un projet pilote qui, loin d’être compliqué, amènera de la valeur ajoutée dans le paysage immobilier luxembourgeois.
Ir. Marcel Deravet
Project Manager LUSCI / IFSB